Huit mois avant ton arrivée au manoir : Berlin Mars 1909
Tu es essoufflée, haletante, ton corps tremble,tu as la sensation que ton cœur va exploser. Et pourtant tu ne peux t’empêcher de te sentir heureuse alors que l’homme sous toi se vide de son sang sur son lit. Ton seul regret à ce moment-là est qu'il n’était pas conscient, tu aurais adoré voir son expression avant sa mort. Mais cela aurait été trop risqué, au vu de la carrure de cet homme, tu n’aurais pas pu le maîtriser s'il n'avait pas été drogué.
Tu te relèves et t’étire, te dirigeant vers une petite table où se trouve tes affaires, tu en retires une cigarette roulée et l’allume. Puis tu sors ton petit carnet remplit de notes et noms et tu en barre un. Il ne t’en reste plus que deux. Tu te diriges vers la fenêtre et l’ouvre, admirant la ville de Berlin. Il est tard et la ville semble endormie, tu déteste la ville en général car bien trop bruyante, mais tu la trouverais presque supportable endormie.
Tu te diriges ensuite vers la salle de bain et te fais couler un bon bain, il est rare que tu puisses en avoir alors tu en profites. Tu aimes le contact avec l’eau, mais tu n’entres pas de suite, l’homme était riche et avait une douche en plus de la baignoire. Tu enlèves donc tes habits et te glisse sous le jet, tu observe silencieuse l’eau se teinter de rouge avant de redevenir claire. Une fois que ce fut le cas, tu entras dans la baignoire et y resta quelques heures pensives.
Tu replonge dans les souvenirs de ta jeunesse, lorsque tu étais plus jeune, tu vivais par-delà ce continent sur une petite île proche du Brésil. Tes souvenirs sont un peu vagues, mais tu te rappelle du visage de ta mère, ton père et tes trois frères. Ta mère était la chef de ton peuple, elle était grande, très grande et très forte. C’est par sa puissance qu’elle était devenue la chef et que les hommes la respectaient. Elle était juste aussi et douce… Quand ceux que tu chasses sont arrivés sur votre île, elle s’est battue de toutes ses forces et ils n’ont eu d’autres choix que de l’abattre. Certains souvenirs commencent à s’effacer, mais ce que tu vis ce jour-là fut gravé dans ton cœur, tu te souviens encore de l’odeur du feu, de tes amis, de ta famille qui tombait sous les coups de feu. Très peu ont survécu parmi les adultes, presque que des femmes, pour les enfants comme toi, les hommes vous ont tous capturé.
De tes trois frères il n’en restait plus qu’un avec toi, plus jeune. On vous a emmené au Brésil, puis au Portugal, le voyage a été très dur, ton frère tomba malade et parce que les soins prodigués ne furent pas suffisants, tu le perdis lui aussi. Mais avant qu’il ne ferme ses yeux à jamais, tu lui fis la promesse de le venger, de les venger tous.
Avant de quitter le navire, tu arrives à mettre la main sur un document avec les noms de ceux qui sont venus sur votre île. Tu arrives à cacher cette précieuse liste et lorsque tu quittes le navire et croise leur regard, tu te juras que la prochaine fois que vous vous recroiserez, ils seront les proies et toi le chasseur.
Les années qui ont suivies ton arrivée au Portugal furent très compliquées, tu fus souvent punie pour être indisciplinée et tu fus finalement vendue à une vieille femme, une scientifique. Ayant sans doute besoin de compagnie car abandonnée par son fils, elle t’enseigna ce que tu devais savoir sur les plantes exotiques. Tu appris beaucoup de choses dans ce domaine car elle avait une connaissance très poussée, mais en raison de son genre, elle n'avait jamais été prise au sérieux par la communauté scientifique et s'était reclus du monde. L'élaboration de poisons, ça elle ne te l’enseigna pas, mais tu l’appris avec de nombreuses expériences. Cette femme, tu n’en éprouvais pas d’affection, elle était en partie responsable de ta situation. A tes yeux elle n'était qu'un outil qui t'étais utile pour développer des connaissances nécessaires à ton avenir. Cependant, tu eus assez de pitié pour la laisser partir sans souffrance. Après son décès, son fils revint dans les parages et te réclama toi et toutes les possessions de la vieille femme.
Avec lui tu compris que les autres ne te verront jamais autrement que comme un objet, pendant les quelques années où tu étais sa possession, tu étais encore trop jeune pour t'enfuir et survivre dans la nature. Tu avais encore un peu d’humanité à cette époque, mais tu en fus défaite en même temps que tu perdis tes enfants. Bien que l'idée qu'il soit le père de tes enfants te dégoûtait, l'idée d'être mère t'apportait du réconfort, un nouvel espoir. Il te prenait régulièrement, toujours pendant tes maudites chaleurs où tu ne pouvais pas résister. Peu après ses rapports non protégés, tu tombais toujours malade, comme si ton ventre s'arrachait en deux et tu perdais à chaque fois cette nouvelle vie qui grandissait en toi, tuant une partie de ton âme a chaque fois. Tu étais d'abord trop jeune pour savoir, puis tu as entendu les autres en parler, de ces fameux moyens pour interrompre les grossesses non désirées. Tu n'aurais pas à subir cette souffrance si tout simplement vous vous protégiez, mais l'homme se moquait de ta souffrance, tout ce qui lui importait était son propre bien-être.
Ce fut la goutte de trop, goutte qui se transforma en poison rongeant les organes. Tu étais enfin une adulte, tu étais devenue assez forte pour survivre. Il ne fut pas le seul à être emporter par le poison, sa femme qui te maltraitait car jalouse et ses enfants qui avaient eu le droit de vivre, ta seule pitié fut que seul les enfants purent partir sans souffrance, comme la vieille dame. Suite à la mort de cet homme, tu disparue.
Il était temps de venger ton peuple, ta famille, toi-même. Tu avais les armes, les informations nécessaire grâce à des années d’espionnage. Rien ni personne ne pouvait t’arrêter.
De retour dans le présent, tu plongeas ta tête sous l'eau et après avoir fini ton bain et fouillé dans les documents de l'homme pour trouver des indices qui te mèneraient à tes prochaines cibles, tu quittas l'appartement en y mettant le feu.
Ce ne fut que lorsque tu fis à quelques pâtés de maisons de l'immeuble que tu te retournas pour observer le feu qui se propageait à grande vitesse. Tu entendais au loin la sirène des pompiers qui réveillait les pauvres âmes endormie tandis que tu t'évanouissais dans l'ombre.
Quatre mois avant ton arrivée au manoir : Paris Juillet 1909
Assise dans ta chambre, tu réfléchissais, une cigarette aux lèvres, le regard plongé dans des documents.
Cela faisait plusieurs mois que tu avais perdu la trace de tes deux dernières proies, la rage et le désespoir était sur le point de te submerger. C'est alors qu'un homme entra dans ta vie te promettant de te donner les informations que tu désirais en échange d’une mission.
Il connaissait ton nom, il savait ce que tu avais fait ces dix dernières années et c’est cela qui l’avait attiré chez toi. Il t’avait laissé son contact au cas où tu sois intéressée, tu te doutais de ce qu’il voulait que tu fasses, ce n’était pas pour tes talents de danseuse qu’il avait fait appel à toi.
Pourtant tu étais une excellente danseuse, c’était sa perte.
Il ne t’avait pas menacé, pas promis monts et merveille, c’était la preuve qu’il savait que tu allais accepter et qu’il savait qui tu étais. Cela signifiait que tu avais laissé des traces, pourtant, hormis le dernier décès en date, tous avaient l’air d’être des accidents ou maladie naturelle.
Tu te laissas deux jours avant de contacter cet homme, tu lui laissas une chance de t’expliquer ce qu’il voulait. Un assassinat, cela pouvait sembler simple, mais la cible rendait la tâche un peu plus ardue : Matryona Adamovitch, une princesse Russe. Pour cela il te fallait te rendre en Russie, cela ne t’enchantait guère, n’étant pas très fan du froid. Mais après avoir apprit que ceux que tu recherchais se cachait dans ce même manoir où la princesse résidait, tout te semblait parfait. Presque trop parfait. Tu n'avais pas confiance en cet homme, tu ne savais pas qui il était, où pourquoi il en avait après la princesse.
Tu acceptas cependant la mission la mission, tu n'avais pas vraiment d'autres choix, tu ne demandas pas d'explications, seulement des moyens pour te rendre au manoir et agir avec une certaine liberté. Tu ne demandes pas d’argent, il t’a rendu un service et tu lui rends l’appareil, voici où fini votre marché. Tu le sais, si tu acceptes cette mission, il n'y aura pas de retour en arrière possible, tu aurais aimé finir tes jours sur ton île, mais tu ne pouvais pas abandonné ta vengeance.
Jour de ton arrivée au manoir : Un endroit perdu en Sibérie Novembre 1909
Une secousse, due à la qualité de la route, te sors de ton sommeil. Tu ouvres les yeux et observe à travers la vitre ce paysage blanc que certains trouvent magnifique. Pour toi, ce paysage froid te fait penser à la mort. Toujours plus beau que les endroits où l’on t’a forcé à être depuis le jour où l’on t’a arraché aux tiens, à ta terre natale.
Cependant tu le conçois, il se dégage de ce lieu une certaine sérénité, un certain charme. Mourir ici ne te semble pas si désagréable au final. Car tu le sais, ce manoir qui commence à se dessiner à l’horizon sera le dernier endroit où tu vivras. Tu porte ton regard sur l’idiot de noble qui t’a emmené avec lui, ce dernier dort encore, il te serait si facile de mettre fin à cette vie pathétique, tu pourrais même déguiser sa mort pour une attaque cardiaque. Mais cela compliquerait tes plans, après tout, pour obtenir ce que tu voulais, tu avais besoin d’une certaine « liberté ».
Bienheureux sont les ignorants et c’est homme était sans doute le plus heureux des hommes à l’heure actuelle. Après tout, il venait de gagner une petite somme aux jeux et tu étais à ses yeux son plus beau prix. Il était loin de s’imaginer que tout avait été orchestré, tout ça pour brouiller les pistes et ne pas apporter de soupçons à ton arrivée au manoir.
Vous vous approchez enfin du manoir, tu réveilles le noble, à peine réveiller il te prend dans les bras et commence à te toucher. Tu le laisses faire, impassible, une fois ta première partie du plan terminée, tu pourras te débarrasser de lui, s’il ne t’a pas perdu d’ici là, l’homme étant addict aux jeux.
Une fois arrivée au manoir, tu jettes un dernier coup derrière toi, il est trop tard pour reculer et même si tu le pouvais tu ne le ferais pas. La seule raison pour laquelle tu étais encore en vie se trouvait entre ces murs et tu n’abandonnerais pas.
Un an après ton arrivée au manoir : Toujours dans un endroit perdu en Sibérie Décembre 1910
Tu observes ton maître debout face à toi alors qu’il te fait mettre une robe des plus révélatrice. Tu l’avais toujours trouvé pathétique, mais aujourd’hui il avait dépassé tes attentes. La raison pour cette situation ? Comme tu l’avais deviné son addiction au jeu l’avait perdu, cela avait duré plus longtemps que tu ne l’avais pensé, tu avais estimé qu’il ne tiendrait pas deux mois avant qu’il n’implore de l’aide aux nobles. Il n’avait jamais eu de chance au jeu et ne comprenait pas ses erreurs, alors forcément, jouer tous les soirs ne lui ferait pas de bien. S’il avait tenu jusque-là c’était grâce à toi, il avait vendu tes services en tant que danseuse, ou en tant que la poupée qu’il voulait que tu sois, il t’avait exhibé jusqu’à ce qu’il se refasse.
Mais il ne s’était jamais refait et désormais le voilà cribler de dettes. Sa seule solution était de se défaire de toutes ses possessions et donc de toi.
Tu observe celui qui te "possède", il se parle tout seul, la raison le quitte peu à peu. Comment pourrait-il rester lucide avec toutes ses dettes, l'opium et la concoction spéciale que tu lui versais tous les soirs ? Tu l'entendais marmonner, délirer, tu te contentais simplement de l'observer, retenant un sourire sur tes lèvres.
Il ne cessait de parler de la princesse Adamovitch, ta future cible, il avait entendu parler d'elle et de son intérêt pour les Omega à l'aura aquatique comme toi. Il était persuadé qu'elle lui donnerait un excellent prix pour te posséder. Comment pouvait-il être aussi sûr ? Car tu t'étais débrouillée pour le lui faire croire grâce aux "amis" du noble qui s'occupaient de toi quand ton maître te louait à eux.
Après tout, même si le dernier homme sur ta liste était ta priorité, tu n'oubliais pas la raison grâce à laquelle tu étais présente au manoir. Un premier contact avec la Matriarche t'était nécessaire pour la jauger, savoir quel comportement adopter pour qu'elle veuille de toi près d'elle. Celui qui risquait le plus gros dans cette rencontre était ton maître et même s'il ne se faisait pas tuer pour son impertinence, de part son inutilité, son destin était déjà scellé.
Ton maître te regarde avec envie et excitation, il ne peut s’empêcher de te caresser une dernière fois avant de te prendre le poignet assez durement et de quitter tes appartements pour aller rejoindre ceux de la Matriarche dans l'espoir de pouvoir te vendre au meilleur prix. Il était persuadé qu'elle serait ravie de cette démarche, ravie qu'un homme de son ascendance aie pensé à elle pour vendre son bien le plus précieux.
Tu le laisse dans sa désillusion, tu le vois frapper avec excitation à la porte, présenter son discours à un domestique, demandant à parler avec la maîtresse de maison car il avait une perle rare à lui vendre. Tu obéis à ses directives, gardant bien le visage en direction du sol. Tu l'entends vanter tes mérites en tant que danseuse, que d'esclave soumise et d'un excellent moyen pour relâcher la pression. Puis tu entends une voix interrompre son monologue, ton regard ne peut s'empêcher de se tourner vers la direction de la voix et tu la vois; belle, imposante, puissante.
Cela ne dura que quelques secondes avant que ton maître ne te corrige et ne te force à regarder à nouveau vers le sol. Au départ, l'idée de lui appartenir t'étais indifférente, tant que tu restais au manoir. Mais après avoir croisé son regard, tu espères retenir son attention et lui appartenir. Tu attends, curieuse, de connaître l'avis de la maîtresse sur la question de ton maitre "Voulez-vous me l'acheter ?"