Konstantin Adamovitch

Konstantin a beau ne pas être fils unique, il se comporte exactement comme il l’était, puisqu’il est le seul enfant qui compte réellement. Trop vieux pour se conduire en enfant gâté, et trop jeune pour que lui soient échues les responsabilités auxquelles son éducation le destine depuis sa tendre enfance, Konstantin ronge son frein, et attend. Son heure viendra, et il le sait — mais en attendant, il doit placer ses pions. C’est globalement l’image que les autres ont pour lui : des pions. A la différence que lui ne joue pas, il prépare.

Mais comme un titre annoncé avant un nom ne fait pas l’homme, Konstantin dispose d’armes pour cela. On lui a appris à bien parler, à bien se tenir, à exhiber à ses interlocuteurs le visage et l’attitude qu’il faut pour qu’on le considère comme ce qu’il est : une Altesse Sérénissime, un Prince héritier de l’Empire de Russie. Alors, Konstantin est plaisant : il a le sourire rare mais digne, l’approbation appuyée d’un signe de tête calculé, la voix posée mais prête à bondir pour se faire entendre dans une salle de bal entière sans forcer sur sa gorge.

Rien de tout ça n’est inné, et il a la conscience de l’effort. Pour cela, il ne rechigne pas, et attend toujours d’être seul, ou du moins, sans compagnie dangereuse, pour laisser libre cours à ses émotions, souvent agacées plutôt que colériques, plutôt mélancoliques que réellement tristes. Son cerveau s’est aiguisé au détriment de son cœur — excepté pour une seule personne, sa mère.

Préférences : Les grandes étendues, le froid, la neige, la glace, l’alcool hors de prix, s’amuser.
Antipathies : Qu’on lui tienne tête, qu’on remette en cause sa place et ses compétences, les sycophantes. Les bêtas, qu’il considère pratiquement comme un troupeau.

Konstantin mesure un mètre quatre-vingt-treize, ce qui est grand, mais ne l’est pas autant qu’un alpha pourrait l’être. Il aurait aimé être plus haut et plus large, mais malgré son entraînement militaire, ses muscles sont davantages ciselés que massifs, ce qui lui donne une silhouette gracieuse et élancée, avec de longues jambes et une taille déliée.

De ses parents, il a hérité ses cheveux blonds, mais il tient surtout de sa mère, dont il a pris la moitié bleue des yeux, sa stature noble et composée et les traits harmonieux du visage. Imberbe, il n’a pas le visage dur, ferreux et pâle de son paternel, mais les pommettes et les joues roses d’un jeune homme habitué à l’exercice physique dans les froides températures de sa Russie. Le secret de son charisme ne réside pas dans un physique de tour de siège, mais dans l’intelligence qui anime ses traits, et la pénétration de son regard. Konstantin est jeune, beau, frappant ; il a la grâce des personnages illustres des tableaux et la présence de son rang ; au point que le cache-oeil qui cache sa blessure est très vite oublié. Personne ne l’interroge à ce sujet, et chacun ou bien connaît l’histoire ou bien suppose qu’il s’agit d’une blessure de guerre.

Concernant l’habillement, Konstantin n’est ni difficile, ni partiuclièrement original. Ses vêtements quotidiens consistent en un complet veston réglementaire, sobre et de superbe qualité, orné des boutons de manchettes aux armoiries Adamovitch. Lors des occasions formelles, il s’adapte. Son habit de cérémonie classique consiste en son uniforme militaire d’apparat, orné de l’écharpe rouge, de ses médailles et de ses épaulettes dorées. Ses chaussures comportent la plupart du temps des talonettes qui le réhaussent discrètement de quelques centimètres.

 Sa naissance fut un miracle, et personne n’est en mesure de remettre la légitimité de son ascendance en question. Il n’a hérité de son père que ce qui compte : son aura. Tout le reste, il le tient de sa mère, dont il a longtemps été l’unique et le seul joyau, le seul soleil. Konstantin était un enfant brillant, vif, calme et sérieux tant qu’il sentait le regard de sa mère sur lui. Matryona est à la fois son modèle et sa geôlière. Tout ce que Konstantin a accompli et continue d’accomplir est dans la droite lignée de son éducation : c’est l’échec, et non la réussite, qui dévierait de ce qu’on attend de lui.

Malgré tout, Konstantin se donna la peine d’être un jeune homme aussi remarquable que l’on attendait de lui. Depuis le premier jour, il sait quel est son rang, quel est son rôle, la raison de son être. Les études, l’apprentissage de l’étiquette, la formation militaire, accompagnent sa naissance aussi naturellement que le froid vient avec l’hiver. Konstantin accepta tout de bonne grâce, les privations, la jalousie et les sévices de son frère, et il continuera de l’accepter tant que sa mère lui fait la grâce de ne rien lui reprocher. Elle sait en vue de quoi il faut souffrir, dans quel but il faut baisser la tête et attendre son heure. Konstantin attend la sienne. Il a hérité de Matryona sa patience, son calcul. Il n’est rien sans elle, pourtant, il n’en reçut presque jamais rien, si ce n’est une oeillade satisfaite au détour d’un repas ou d’une conversation.

Konstantin a toujours tout fait pour lui plaire, pour trouver grâce à ses yeux. Encore aujourd’hui, il attend un sourire d’elle avec plus d’excitation et de désespoir que ne pourrait provoquer en lui la couronne impériale. La perfection qu’il maintient n’a qu’elle pour but. Il exerce à propos de sa propre condition une sourde indifférence ; il est héritier Adamovitch exactement comme il est blond. Il ne peut rien y changer. On lui a inculqué dès le plus jeune âge qu’il n’y avait personne d’autre pour ce rôle, et qu’il y avait pour le remplir des exigences auxquelles répondre ; il s’y acquitte avec la froideur du geste bien rôdé. Évidemment, tout est inné pour lui ; les dorures, les compliments, l’admiration, le respect. Il ne doit se battre que pour ces compliments qui ne viennent jamais, cette main osseuse et baguée dans ses cheveux qu’il n’a jamais sentie mais qui lui manque comme un membre fantôme. Comparé à cette attente insatisfaite, l’indifférence de son père, à qui il n’a pas adressé plus de dix phrases tout au long de sa vie, ou cette lointaine fiancée dont il ne connaît même pas le nom sont de lointaines données qui ne sont même pas des préoccupations. Il n’y a qu’une chaleur humaine qui lui importe vraiment, et c’est à la fois la plus proche et la plus étrangère.

A vingt-trois ans, son éducation complétée, son rang parfaitement assis et sa place dans le monde exactement connue, le seul mystère de son existence demeure l’affection inaccessible de cette mère, et qui lui préfère une poupée de chiffon muette qui n’a d’elle que le nom de famille. Mais ses propres sentiments importent peu. Konstantin ne voit en Aleksandr et Elizaveta des alliés au potentiel inactualisé ; mais il est lui-même bien assez important et la Russie assez grande pour qu’il puisse s’en trouver d’autres.