Kaiser Andreïev // La douceur hivernale

Les règles sociales. Ce qu’elles sont ennuyeuses et pénibles. Un moule, voilà ce qu’elles imposent sous la dictature patriarcale. Un cadre dans lequel il faut gentiment que tu te conformes sans broncher ni t’exprimer. Mais as-tu d’autre choix que de t’y soumettre? Aucunement. À moins que tu ne préfères la violence psychologique et l’humiliation. Kaiser, il faut que tu sois un homme poli, éduqué et fort. Les émotions n’ont pas leur place. C’est pour les faibles, les fluets, les ratés et les femmes. Toi, tu es directeur d'une entreprise qui se spécialise notamment dans la conception d'outils technologiques, comme les moteurs, la télécommunication ou des outils pour bonifier le travaille de la terre. Un vaste champ qui est régis par des lois universelles similaires si nous savons comment les manipuler. Cela doit faire de toi quelqu’un de sérieux, de confiant, de droit et de distinguer. Interdiction de courber l’échine. Ne commet pas la disgrâce de remercier un oméga ou de tendre la main à ton prochain. Ils te doivent obéissance et soumission. Tu es un noble, héritié des Von Kroff. Eux, ils sont inférieurs. Ils ne sont qu’outils, rien de plus. À moins que tu ne sois une fillette, Kaiser? L’es-tu? Si non, alors n’agit pas comme tel.

Ces valeurs qu’on t’a implantées au fer rouge gouvernent ton quotidien fatidique. C’est donc ainsi que tu te présentes au monde : un gentlemen froid aux idées arrêtées et à l’expression hautaine. On t’a obligé à faire des études en physique. Ah ce monde si loin de ton besoin d’évasion et de tes songes rêveurs. Même si tu ne t’y plais pas vraiment, subissant davantage ta vie au lieu de la savourer, tu y as consacré tellement de temps et d’énergie que tu excelles dans ton domaine. N’allez pas vous m’éprendre! Tu n’avais pas d’autre choix. Si tu voulais survivre, tu devais devenir une copie conforme de l’époux de ta mère, ce qui en fait ton père par définition : Fiodor Von Kroff.

En dehors de ton cadre professionnel, tu es un tout autre personnage. En revanche, ledit cadre professionnel reste collé à ta peau dans bien des circonstances. Quoiqu’une soirée bien arrosée puisse faire ressortir ton être fantasque contre ton gré. Autrement, dans un contexte où tu peux retirer le voile de ton devoir, il s’avère que tu es séducteur, taquin et joueur. Bon vivant, tu aimes découvrir, expérimenté et t'amuser. Lors des interactions sociales, tu aimes faire réagir ta victime. Savoir qu’elle tombe sous ton charme. Que tu as le contrôle sur elle. Que tu es maître de son esprit, pouvant en jouer comme bon te semble. Tu aimes que cette âme, si fragile, si précieuse, soit soumise à tes volontés, à tes désirs, à ton corps. La dominer de toute ton charisme ou par des entraves, dans tous les cas, cela te procure un sentiment de puissance à te faire frissonner de la tête aux pieds. Enfin, tu peux te sentir vivant… Vivant et entier. Te libérant de tes entraves qui pèsent sur ta conscience.

Préférences : La nuit, la simplicité, découvrir, les défis.
Antipathies : L’incompétence, l’abus de pouvoir (même si tu le fais régulièrement), la violence pure et dure, qu'on t'appelle monsieur Von Kroff (ce qui est fréquent au sein de l'entreprise d'ingénierie physique rachetée par ton beau-père).

Ton 1m84 vêtu d’un costume et d’un nœud papillon gris bien ajusté à ton corps athlétique de 86kg, tu franchis solennellement la grande porte d’entrée du manoir. Un douce odeur rappelant le froid et la neige te suit dans ton sillage. Les domestiques t’accueillent comme il se doit, tout comme la richesse des lieux qui se dévoilent dans une propreté impeccable et une décoration soignée. Un soupir franchit tes lèvres pulpeuses dont le rosé contraste avec ta peau porcelaine, tandis que tes doigts d’artiste viennent lisser tes cheveux blonds comme la paille vers l’arrière. Derrière tes longs cils, ton regard bleu perle est rivé sur ton domestique qui t’accompagne. Le pauvre s’empresse de rassembler tes nombreuses valises, dont certaines contiennent le nécessaire pour espérer attirer l’attention des Adamovitch dans l’ultime objectifs de bénéficier de leur puissance politique et de leurs richesses pour supporter votre entreprise familiale.

Une fois dans tes quartiers, ton fessier galbé appuyé contre le bureau, tu détailles la cour par la fenêtre de la chambre pendant que ton domestique range les costumes, les chemises, les chapeaux et les peignoirs que tu as apportés. Autrement dit, il s’occupe de tes vêtements pendant que tu navigues les méandres de ton esprit. Il sait bien qu’on ne touche pas aux valises qui contiennent le fruit des recherches effectuées dans le cadre de ta profession. C’est bien trop précieux pour que des mains impures les manipulent.

Plonger dans ton imagination, tu vois ton corps sans imperfection à la pilosité moyenne transformé en ce majestueux prédateur : un harfang des neiges. Les ailes déployées, tes griffes acérées près de ton corps, tes yeux dorés scrutant le monde du haut des nuages, tu savoures le goût de la liberté parmi les flocons qui dansent dans le ciel. Sais-tu seulement quel goût elle a, la liberté? Probablement pas, mais tu l’imagines, tu l’envies.

- Monsieur Andreïev?

C’est avec une certaine lassitude que tu reviens les deux pieds sur terre. Lorgnant simplement le domestique, ta voix veloutée le libère de ses fonctions.

- Vous pouvez disposer.

Les règles sociales et les obligations détruisent la vie de bien des gens. Ce fut le cas de ta mère, la belle Anisiya, qui a toujours été plus attirée par les femmes que par les hommes. Dans l’unique but d’unir deux familles en gage de bonne foi et de prospérité, un mariage arrangé a été organisé avec le grand Fiodor Von Kroff. Deux Alphas dominants? Personne ne se souciait que leur force de caractère ferait constamment des flammèches et que la reproduction était impossible. L’adultère était l’option envisagé. La femme se doit d’être soumise à son mari et le supporter dans ses projets parce que lui seul sait ce qui est bien pour sa famille. Il était donc prévu que l’alpha féconde une oméga. La descendance serait élevée par le couple et le tour serait joué. Simple, non? En revanche, qu’elle ne fut pas la surprise lorsque la chance ne vint pas frapper à la porte du mâle, mais qu’elle frappa à la porte de la femelle lorsqu’elle eut une relation avec une canadienne venue la visiter. « Ce n’est qu’une amie de longue date » avait-elle affirmé à son époux. Eh bien, ce fut ainsi que l’alpha récessive passa près d’un an en compagnie du couple en Russie. Vous vous imaginez bien que tout cela est resté cacher. N'incluant dans le sombre secret que des gens d'extrême confiance. Si le Comte était outré par l'indécence de son épouse, le sens du devoir lui était bien trop important pour rompre l'entente entre les familles. Il a donc tenu le secret sur les troubles de santé mentale de son épouse. Ainsi, au départ, il était hors de question pour le Comte de reconnaitre l’enfant comme le sien. La mort de ce poupon ferait bien son affaire pour taire à jamais la dépravation de ces deux femmes. De plus, il voulait son descendant, son sperme, sa chaire. Pas celle d’une autre. Même si c’était la progéniture de sa propre épouse. Surtout que, maintenant son paternel décédé, il hérita de la fortune des Von Kroff, achetant un laboratoire d'ingénierie physique pour s'assurer prospérité. Le léguer à... à ce rejeton... À ses yeux, venant de deux femmes, deux êtres inférieurs et impurs, ledit rejeton serait aussi un être inférieur et impur. Indigne de son nom.  Elle l’a cependant convaincu à l’usure! Le suppliant sans relâche. Anisiya est têtue, tu retiens cela d’elle, Kai. Sans l’ombre d’un doute.

Tu n'as vu Mélissa qu’à quelques reprises. Elles t'ont dévoilé leur secret à tes 13 ans malgré l'interdiction du Comte d'aborder le sujet. Cela t'a permis de te sentir plus normal dans ta pansexualité, sans l'afficher pour autant. Tu aurais aimé avoir deux mamans, malgré les croyances qui criaient à l'abomination. Pourtant, elles avaient tant d’amour, de bonne humeur et de rires à offrir. L’ambiance était si chaleureuse. Si agréable. Bien loin de ce que tu vivais au quotidien. Si le Comte Von Kroff t’a accueilli dans sa demeure comme étant son fils, cette information n’a jamais été communiquée à son cœur. Il t’a toujours regardé de haut, n’hésitant pas à hausser le ton, à user de manipulation et à te dénigrer dès que l’occasion se présentait. Tu as donc appris les bonnes manières pour jouer dans la cour des grands et tu as étudié dans une des meilleures écoles d'ingénierie physique. Dès ta naissance, il a tout tracé ton chemin pour que tu travailles dans l'entreprise qui lui rapportait le plus. Ô mon cher, tu as toujours fait ce qu’il a voulu, répondant à ses moindres caprices, mais cela n’a jamais semblé suffisant. Heureusement que ta mère t’offrait son support dans la mesure du possible pour ne pas provoquer la colère de ton père.

Heureusement, au travers de ton éducation universitaire, différentes rencontres t’ont permis de palper les joies de la vie. Si tu t’es permis de les vivre? Non. Pas de temps pour ça. Entre études incessantes pour parvenir à maitriser les matières compliquées de ta formation, le travail dans l’entreprise rachetée par l’époux de ta mère, les nombreuses lectures sur des projets de développement… Il n’y avait plus de temps pour t’épanouir. Pour t’amuser. Tu étais, et tu es toujours, enchaîné à une routine planifiée au quart de tour. Cela fait déjà quatre bonnes années que tu as terminé tes études et que tu y travailles à plein temps. Malgré cela, il se montre toujours insatisfait, te répétant comment tu es un fils indigne et que tu n’arriveras à rien. Malheureusement, ou heureusement, ta vie est sur le point de changer. Espérons que cela sera pour le meilleur. Ce qui est arrivé? Avant même de finir l’université, tu as commencé à t’évader illégalement. Dans la clandestinité. Lors de rassemblements illégaux et bien cachés des autorités. Cela fait plusieurs années que tu te réunissais avec d'autres personnes comme toi, des personnes attirées soient par le même sexe qu'eux ou aimant se travestir. Il y régnait une ambiance festive et accueillante, dénouant quelques peu les noeuds tenaces dans tes épaules toujours crispées. La catastrophe : une intervention policière. L'humiliation, le chaos, la prison. Si ta mère a payé ta caution, LUI, il a découvert tes fréquentations et tes secrets. La rage dans ses prunelles glaciales, tu t'en rappelles. Après t’avoir fait un sermon bien trop long sur la disgrâce que tu es, il t’a ordonné de te rendre dans le manoir des Adamovitch pour sauver ton honneur. « Amène l’entreprise dans la lumière par une accord avec cette puissante famille et tes fautes seront lavées. » Des paroles difficiles à croire venant de ton éternel insatisfait de beau-père qui menace de te déshériter…  

Ainsi, te voilà, à rêvasser en regardant la neige tombée derrière les carreaux de tes quartiers dans ce grand manoir, gentiment accueillis par cette riche famille.